Une réforme à visée redistributrice attendue depuis 2021
Depuis la fin de l’année 2021, la politique publique de la petite enfance connaît une phase d’accélération, dans laquelle s’inscrit la réforme du Complément de libre choix du mode de garde (CMG) pour l’emploi direct, votée dans la loi de financement de la Sécurité sociale de 2023.
La Fepem, pour représenter les intérêts des parents particuliers employeurs, s’est naturellement mobilisée de longue date sur ce sujet, en allant à la rencontre des décideurs publics, ainsi qu’au travers de sa participation aux instances dédiées à la petite enfance : réunions du Comité de filière petite enfance, contribution au rapport sur la conciliation des temps de vie du CESE, etc.
Concernant le CMG, la Fepem ne peut que partager les constats émis dès 2021 par le HCFEA (Haut Conseil de la Famille, de l’Enfance et de l’Âge) qui ont d’ailleurs influé sur l’esprit de sa réforme :
- Non seulement il existe des inégalités territoriales notoires, en matière de place d’accueil des jeunes enfants, mais le coût de la garde de leurs enfants en bas âge restant à la charge des familles, peut aussi différer substantiellement, selon leur région et le mode d’accueil qu’elles ont choisi. Ainsi, de nombreux parents optant pour l’accueil individuel peuvent se retrouver moins bien financièrement soutenus qu’en cas d’accueil collectif.
- Le montant du CMG étant indépendant du nombre d’heures d’accueil, les familles recourant à un nombre d’heures de garde élevé, avaient tendance à être défavorisées par le mode de calcul.
- Enfin, si cette prestation est jusqu’à présent modulée selon les ressources et la composition des familles, à travers un système de tranches de revenus, ce système génère de forts effets de seuils, parfois préjudiciables aux familles modestes notamment.
La réforme du CMG « emploi direct » de 2025, qui s’inscrit dans celle plus globale du service public de la petite enfance, se veut redistributive et ambitionne :
- d’harmoniser les restes à charge des familles entre l’accueil individuel et l’accueil collectif, donc de favoriser le libre choix des parents quant au mode d’accueil de leur enfant.
- de mieux accompagner financièrement les parents ayant des besoins de temps d’accueil élevés ou des revenus modestes : la règle du reste à charge de 15 % pour les bénéficiaires, étant supprimée.
La Fepem porte de longue date ces deux propositions, encore dernièrement via sa contribution au rapport du CESE sur la conciliation des temps de vie.
La réforme du CMG 2025 tient aussi compte de l’évolution sociétale des « nouvelles » formes de parentalité, avec une indemnisation :
- renforcée pour les parents isolés, en termes de durée pour cette prestation (dont ils pourront désormais bénéficier jusqu’au 12 ans de l’enfant au lieu de 6 ans précédemment),
- plus égalitaire pour les parents séparés (avec la possibilité que le CMG soit versé aux deux parents plutôt qu’à un seul, en cas de garde alternée).
Selon ces objectifs affichés, la réforme du CMG 2025 proposerait donc plusieurs progrès notoires, qui bénéficieraient directement à de nombreux parents employeurs. Elle représenterait d’ailleurs pour les finances publiques un investissement de l’ordre de 600 millions d’euros par an.
En harmonisant le reste à charge entre accueil individuel et accueil collectif, donc le coût effectif supporté par les parents pour l’accueil de leurs enfants en bas âge, la réforme du CMG 2025 tendrait à favoriser, non seulement le droit au libre choix du mode d’accueil individuel par les parents, mais aussi son accessibilité financière et donc l’effectivité de ce droit.
Cela représenterait un progrès notable pour les parents actifs qui n’ont pas toujours accès à l’accueil collectif (crèches ou micro-crèches), en milieu rural notamment.
Qui est concerné par la réforme du CMG 2025 ?
La réforme du CMG qui prend effet au dernier trimestre 2025 :
- ne s’applique qu’aux parents qui ont choisi l’accueil individuel pour leur enfant, via l’emploi direct d’une assistante maternelle ou d’une garde d’enfants à domicile.
- ne concerne que la portion de cette aide, qui compense le coût des rémunérations versées par les parents.
- ne modifie pas en revanche, la prise en charge des cotisations sociales liées à ces rémunérations, qui représente la majorité de la dépense engagée par les parents, soit 60 % en moyenne.
Une baisse de ressources à anticiper et à atténuer pour les familles
Telle qu’elle a été présentée aux parties prenantes de la petite enfance, par les pouvoirs publics, la réforme du CMG devrait mécaniquement augmenter le reste à charge pour certains parents, dont beaucoup ne bénéficieront pas non plus du dispositif de compensation prévu dans ce cas. Plusieurs familles verront ainsi leur niveau d’aide financière abaissé et donc leur reste à charge augmenté.
La réforme ne modifie pas, en revanche, la prise en charge par le CMG des cotisations sociales liées aux rémunérations, qui représente la majorité de la dépense engagée par les parents (60 % en moyenne).
Selon la nouvelle formule de calcul du CMG 2025, à partir d’un certain niveau de ressources et selon le nombre d’enfants du foyer, les familles pourraient ne plus percevoir aucune aide pour la rémunération versée par eux, alors que précédemment un minimum de 203,62 € était octroyé jusqu’aux 3 ans de l’enfant.
Des parents qui dépassent le plafond de revenu, sans pour autant être très fortunés, pourraient ainsi se trouver moins bien soutenus : pour être éligible au dispositif de compensation du « complément transitoire » prévu pour les « perdants » de la réforme, le seuil de ressources annuelles annoncé se situe autour de 53 000€ net, pour les foyers avec un enfant à charge. Des familles dont les revenus sont situés juste autour du salaire médian français, seraient ainsi concernées.
Potentiellement, les parents qui ont recours à un volume horaire plus faible, sont aussi en risque d’être pénalisés à l’avenir. Il peut pourtant s’agir de parents contraints à une activité professionnelle à temps partiel ou en recherche active d’emploi. Or, toujours selon le HCFEA, plus de la moitié des parents employeurs (52 %) déclaraient moins de 100 heures d’activité en 2019.
De même, le cas des familles versant des salaires majorés plus élevés que la moyenne, car elles ont recours à des gardes d’enfants la nuit ou le week-end pour des motifs professionnels, est à considérer.
Selon le Projet de loi de financement de la sécurité sociale 2023, 43 % des parents seraient perdants avec la réforme du CMG 2025, pour un montant moyen de 32 €.
C’est un point de vigilance majeur pour la Fepem qui attend toutefois, avant d’émettre une position plus circonstanciée sur le sujet, les décrets d’application ainsi que les conclusions d’études d’impacts à jour et détaillées, tant sur le nombre de parents concernés par une baisse du montant de leur CMG, que sur le chiffrage de leur niveau de compensation financière et de leur manque à gagner.
Des points de vigilance sur les modalités d’application de la réforme du CMG pour les parents employeurs
En cohérence avec ses fondamentaux, la Fepem défend l’universalité des droits pour les particuliers employeurs, parmi lesquels plus d’un million sont des parents employeurs d’assistantes maternelles ou de gardes d’enfants à domicile.
Or la réforme du CMG 2025, tout en comportant des avancées pour certains parents employeurs, tend aussi à accentuer la conditionnalité des prestations familiales aux ressources du foyer, à rebours du principe d’universalité. Ce principe socle est pourtant au cœur de la plupart des politiques publiques contemporaines destinées aux familles : réformes des allocations familiales, du quotient familial, etc.
La Fepem reste donc attentive aux modalités d’application de la réforme, qui seront précisées prochainement et souhaite notamment que le dispositif de compensation financière prévu pour les familles qui seraient financièrement désavantagées avec la réforme, puisse remédier concrètement et équitablement à cet écueil.
Il semble aussi indispensable que les professionnels et organisations représentatives du secteur soient consultés sur la fixation du coût horaire de référence, dont il est prévu actuellement que le montant soit établi par voie réglementaire et revalorisé annuellement (selon la progression de la valeur du Smic de l’année N).
À ce titre, la Fepem est pleinement engagée au sein du groupe de travail de la CPPNI (Commission Paritaire Permanente de Négociation et d’Interprétation) dédié à la réforme du CMG, aux côtés des autres partenaires sociaux de son secteur.
Sur un sujet d’une telle portée sociétale, avec à la clé un impact tangible sur les finances de plus d’un million de parents employeurs et de leur capacité d’employer et de rémunérer leurs assistants maternels et gardes d’enfants, toutes les parties prenantes du dialogue social ont, en effet, un intérêt partagé à parler d’une voix claire et unie, afin de porter des propositions de consensus auprès des pouvoirs publics.
Les aides à la parentalité : un levier essentiel des politiques publiques face à la dénatalité
Face aux défis d’avenir que pose la conjoncture démographique et notamment la baisse de la natalité, le renforcement de toutes les formes de soutien public à la parentalité, semble aujourd’hui être un levier essentiel à mobiliser, autant qu’un engagement de responsabilité pour l’avenir. C’est un axe de réflexion et d’amélioration fondamental pour les politiques publiques de la petite enfance.
Des montants du CMG variables d’un mois sur l’autre
Autre conséquence de la réforme du CMG 2025 : le montant perçu par les parents sera variable d’un mois sur l’autre, puisque son mode de calcul impliquera désormais de prendre en compte de nouveaux éléments (salaire, indemnités d’entretien, frais de repas, heures complémentaires, etc.)
Il pourrait donc être plus difficile pour les parents de prévoir et d’anticiper leur budget mensuel voire annuel.
La Fepem met d’ailleurs en garde le grand public contre la mise à disposition prématurée de simulateurs en ligne sur le CMG 2025, se proposant d’effectuer d’ores et déjà pour eux le calcul de leur nouveau reste à charge : toutes les informations requises n’étant pas encore connues et accessibles à la date du 10 juin, ces calculs ne peuvent que présenter une estimation approximative et risquent d’induire des parents en erreur dans l’estimation de leur budget. Des simulateurs plus fiables sont attendus d’ici la rentrée.

Qu’est-ce que le CMG ?
Le complément de libre choix du mode de garde (CMG) offre aux parents qui travaillent, une aide financière dans les premières années qui suivent la naissance de leur enfant. Il est destiné à compenser le coût de la garde des jeunes enfants jusqu’à leur 3 ans (âge habituel de l’entrée en classe maternelle) ou leurs 6 ans (scolarisation en école primaire), avec cependant un montant réduit à partir de 3 ans. Son montant est modulé selon les ressources du foyer et du nombre d’enfants à charge.
C’est l’une des 4 aides regroupées dans la prestation d’accueil du jeune enfant (Paje) gérée par Pajemploi, le service dédié de l’Urssaf. Le CMG est versé chaque mois à ses allocataires par la CNAF (Caisse Nationale d’Allocations familiales) ou la MSA (Mutualité Sociale Agricole).
Le CMG est délivré aux parents qui choisissent l’accueil individuel au domicile (par une assistante maternelle ou une garde d’enfants) ou dans certaines structures d’accueil collectif (crèche familiale, micro-crèche, etc.)
Dans le cas de l’accueil individuel, le CMG prend en charge une partie du salaire net de l’assistante maternelle ou de la garde d’enfants à domicile versé par les parents (CMG « rémunération »), et tout ou partie des contributions t cotisations sociales qui lui sont associées (CMG « cotisations ») : jusqu’à 100 % pour les assistantes maternelles agréées et 50 % pour les gardes d’enfants à domicile, dans la limite d’un plafond.