A l’occasion de la journée nationale des aides à domicile, la Fepem donne la parole à Sokona Dembele, assistante de vie auprès d’un particulier employeur et à Julie L’Hotel Delhoume, porte-parole de la Fédération des particuliers employeurs de France.
3 questions à Sokona Dembele, assistante de vie :
Pourquoi avoir choisi l’emploi direct dans le cadre de l’exercice de votre métier d’assistant de vie ?
J’ai commencé mon métier en travaillant pour une entreprise. Nous devions réaliser de nombreuses tâches et, petit à petit, je me suis rendu compte que le travail demandé n’était pas toujours adapté aux besoins de la personne accompagnée. Ce manque de pertinence générait en moi beaucoup de frustration. J’ai cherché à exercer mon métier dans des conditions différentes et c’est alors que je me suis tournée vers l’emploi direct.
En étant directement liée à la personne accompagnée, j’ai pu adapter les tâches à réaliser aux besoins de la personne, prendre le temps de dialoguer, de faire avec elle.
Comment s’établit le lien de confiance entre l’assistant de vie et la personne qu’il accompagne ?
Lorsque je travaillais en entreprise, j’entrais chez beaucoup de personnes différentes. Bien souvent, elles avaient du mal à me faire confiance. Pour nous, la confiance est primordiale puisqu’on rentre dans l’intimité des gens !
Dans mon métier, je ne me considère pas comme « l’auxiliaire de passage », c’est bien plus que cela ! Je veux partager avec les personnes chez qui je travaille. Mon métier, c’est l’humain !
Le lien de confiance est très important, y compris pour nous en tant que professionnels, sinon nous nous sentirions bien seuls.
Que pensez-vous de la place du lien social dans votre accompagnement, en tant qu’assistant de vie ?
La place du lien social dans la relation avec la personne accompagnée est très importante. Je fais partie de la vie de la famille, ils sont heureux de me raconter leur quotidien. J’aime cette partie de mon métier, sinon, on en perd le sens. On est parfois les seules personnes qu’ils voient. Si on ne rentre pas chez eux et qu’on ne prend pas le temps de discuter, ces gens ne voient personne et ne discutent avec personne.
Il m’arrive de proposer à la personne de s’assoir dans la cuisine pendant que j’y fais le ménage et on passe notre temps à discuter. Il arrive même que l’on discute et, sans s’en rendre compte, on dépasse l’horaire prévu.
J’aime mon métier, je me sens utile dans la vie des gens.
3 questions à Julie L’Hotel Delhoume, porte-parole de la Fepem :
Ce 17 mars se tient la première édition de la journée nationale des aides à domicile, que vous inspire-t-elle ?
La journée nationale dédiée aux aides à domicile est l’occasion de donner un coup de projecteur sur une profession qui manque injustement de reconnaissance malgré le rôle fondamental qu’elle joue au quotidien dans la société auprès de nos aînés.
Dans le secteur de l’emploi à domicile, ce sont ainsi près de 1 million de particuliers employeurs vulnérables qui sont accompagnés par presque 550 000 assistants de vie. Ces professionnels participent à l’accompagnement de la perte d’autonomie dans le contexte d’une population vieillissante qui constitue un véritable défi démographique.
Notre secteur est, par ailleurs, très attaché au principe du libre choix du mode d’intervention, le seul de nature à garantir à la personne accompagnée la maîtrise de son autonomie. L’emploi direct d’un salarié ou par l’intermédiaire d’un mandataire constitue un mode d’intervention permettant à la personne en perte d’autonomie de déterminer parfaitement et personnellement l’accompagnement dont elle a besoin dans l’accomplissement des tâches du quotidien. C’est aussi le meilleur moyen de tisser un lien de confiance, non marchand, et durable avec le salarié qu’elle emploie.
Cette journée, plus généralement encore, permet de mettre en lumière le secteur des particuliers employeurs et de l’emploi à domicile. Ce secteur, unique et citoyen, se structure à l’aide d’un dialogue social dynamique au service de la garantie de droits sociaux pour les salariés du particulier employeur. Ainsi, la convention collective garantit un certain nombre de droits grâce à la mutualisation des moyens des particuliers employeurs, je pense singulièrement à la formation professionnelle, à l’indemnité conventionnelle de départ volontaire à la retraite, à la prévoyance, aux activités sociales et culturelles et à la santé au travail.
Notre secteur est, plus que jamais, contributeur des politiques publiques en matière de perte d’autonomie.
Vous parliez de libre choix, est-on libre de recourir à l’emploi direct sur l’ensemble du territoire ?
La réponse est clairement et malheureusement non !
En théorie, aucun département ne peut refuser le choix d’une personne quant au mode d’intervention choisi. Toutefois, en pratique, le montant de l’APA en emploi direct et mandataire varie toujours d’un territoire à un autre alors que les bénéficiaires de services à la personne disposent d’un montant de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) plancher garanti par la Sécurité sociale.
Cette inégalité de traitement d’un mode d’intervention à un autre, d’un département à l’autre, oriente sensiblement et artificiellement la personne en perte d’autonomie vers les services à la personne au détriment de l’emploi à domicile entre particuliers et au mépris du libre choix.
Le particulier employeur devrait disposer d’un dispositif similaire, un tarif socle pour le particulier employeur, lui permettant d’assurer financièrement l’accompagnement de la perte d’autonomie. En plus d’assurer la prise en charge de la personne en perte d’autonomie et le libre choix du mode d’intervention, un tel dispositif serait de nature à revaloriser le salaire des assistants de vie.
Qu’en est-il pour les particuliers employeurs en situation de handicap ?
Les personnes en situation de lourd handicap affectionnent particulièrement le modèle de l’emploi à domicile compte tenu du lien privilégié tissé avec l’assistant de vie. C’est un binôme qui se constitue entre employeur et salarié, entre personne accompagnée et accompagnant, entre personne vulnérable et assistant de vie.
Toutefois, le montant de la prestation de compensation du handicap (PCH) demeure trop faible et ne comprend pas encore toutes les dépenses inhérentes à la relation contractuelle. Toutes ces dépenses qui ne sont pas assurées par la PCH reposent sur l’allocation adulte handicapée (AAH), précarisant d’autant nos concitoyens les plus vulnérables.
C’est pourquoi notre secteur milite pour une revalorisation du montant de la PCH et pour l’élargissement de son périmètre afin de prendre en compte l’ensemble des dépenses relatives à la relation contractuelle entre particulier employeur en situation de handicap et assistant de vie.